Trish & Sutton

and sometimes in the night, i screamed

Ce ne fut que lorsqu’elle referma la porte d’entrée derrière elle, que Sutton put se sentir mieux.  Tout les soirs où elle devait fermer son magasin, c’était la même histoire. A partir du moment où elle éteignait les lumières de la boutique, l’angoisse la prenait aux tripes. Une fois le store baissée, elle courait jusqu’à sa voiture, tout en jetant des regards derrière son épaule pour s’assurer qu’il n’y avait personne. Derek les avaient espionnés -Trish et elle- durant des semaines avant de s’en prendre à elles. Sue le savait, il connaissait sa petite boutique. Et cela la terrifiait. Il pouvait débarquer à tout moment, et même si la police soutenait qu’il avait dû quitter la ville, elle n’y croyait pas vraiment. Elle redoutait déjà le jour où elle se retrouverait face à lui. Mais pour le moment, elle regardait partout, appuyait sur le bouton de la fermeture centralisé des portes à peine montée dans sa voiture. Tout était bon pour réussir à se rassurer. Une fois arrivée à son immeuble, elle refaisait la même chose. Elle vérifiait à chaque couloir qu’il n’était pas là, en train de l’attendre comme la dernière fois.

Elle était encore seule à l’appartement. Trish ne finissait qu’à 20 heures alors qu’elle fermait sa boutique à 19 heures.  Elle n’aimait pas ça non plus. Le silence semblait alourdir encore davantage l’atmosphère.  Ce qui la poussait à rester un instant adossée contre la porte, pas encore tout a fait prête à affronter son propre appartement. Puis, avec un long soupir, elle s’écarta finalement. Son sac atterrissait sur la banquette de l’entrée, sa veste et ses chaussures furent rangés dans le placard. Elle s’avance alors dans le salon pieds nus. Ce silence était vraiment de trop. Sur un coup de tête, elle se dirigea vers la télé et la mit en route. Elle se fichait pas du programme, tant qu’elle avait un fond sonore. Néanmoins, elle ne mit pas le son trop fort. Elle voulait être capable d’entendre si quelqu’un entrait dans l’appartement. Toujours cette même fichue peur qui la poussait. Elle jeta un regard à l’heure. Trish n’allait pas tarder, elle se décida alors de se mettre aux fourneaux. Enfin, autant que le pouvait son niveau de piètre cuisinière. Du coup, elle opta pour des croque-monsieur ce soir. Elle pouvait comme ça préparer les tranches de pains de mies avec les ingrédients. Il ne resterait plus qu’à les mettre à chauffer dans la machine.

Un premier coup à la porte. Sutton se redressa, dressant l’oreille. Deux autres suivirent et Sue laissa échapper le souffle qu’elle retenait. C’était Trish. Elle ne s’était même pas rendue compte qu’elle avait retenu sa respiration. « Sue ? C’est moi. Je suis rentrée. »  Sutton attrapa l’assiette où elle avait entreposé tout les croques et sortit de la cuisine. « J’ai préparé le repas. » Lui dit-elle avec un sourire qu’elle espérait pas trop crispée. Elle devenait folle avec ses émotions qui ne cessaient de passer de la peur au soulagement. « Tu veux bien tirer les verrous pendant que je met la table ? » C’était l’une des rares choses qui la faisaient se sentir un peu mieux, fermés tout les nombreux verrous qu’elles avaient ajoutés à la porte depuis. Le meilleur moyen qu’elles avaient trouvés de reprendre possession de leur appartement.

Trish & Sutton

and sometimes in the night, i screamed

L’angoisse était omniprésente chez Sutton. La solitude aussi. Mais ses deux sentiments arrivaient à s’estomper, par moment. Tout dépendait des personnes avec qui elle était. Lors des réunions par exemple, ça allait mieux. Avec Caleb aussi. Et puis avec sa colocataire et amie Trish. Le point commun ? Toutes ses personnes vivaient avec les mêmes sentiments. Surtout Trish. Elles étaient déjà proches avant, mais l’était bien plus maintenant. Elles dormaient presque toutes les nuits ensemble, parfois main dans la main. Il n’y avait pas meilleur moyen de vaincre sa peur du noir qu’avec une personne pour traverser la nuit. Dans son malheur, Sutton avait eu au moins une chance, Trish. Enfin, non, elle en avait eu deux. La deuxième était Grace, la voisine qui les avait entendus crier, qui avait prévenu la police. Mais au quotidien, c’était sa colocataire qui lui était d’une plus grande aide. Comme là. « Oh merci, je meurs de faim. Je n'ai même pas eu le temps d'avaler un truc ce midi. » Il suffisait que la brunette passe le pas de la porte pour qu’une toute petite partie de son angoisse s’envole déjà un peu. Une toute petite partie puisqu’elle s’empresse de lui demander de tirer les verrous. En même temps, elle partageait ce même sentiment de calme lorsque la porte d’entrée devenait alors infranchissable. Pendant que la conservatrice alla faire ça, Sutton alla poser son assiette pleine de croquemonsieur sur la table basse du salon. Elle fit un autre aller-retour entre le salon et la cuisine pour ramener des verres et une bouteille de jus de fruits. « C'est fait ma belle. On peut se détendre un peu et profiter de ton repas. » Sue eut l’ébauche d’un sourire sur ses lèvres. « Repas c’est peut-être un peu trop pour ce que je nous ais préparé. » Du grignotage était peut-être davantage le terme approprié pour ce qu’elle avait préparé. Trish se laissa tomber sur le canapé avant d’attraper un croque. Elle fit signe à Sue de s’installer à côté d’elle. Elle s’empressa d’obéir et d’attraper à manger elle aussi. « Ca a été ta journée ? » Elle se laissa basculer en arrière, son dos tapant le fond de son canapé. Elle se laissa le temps d’avaler un morceau de croque avant de répondre. « Aussi éprouvante que toutes les autres… » Trish savait très bien comment Sutton vivait les fermetures de la boutique. Elle était l’une des rares à le savoir. Les autres, c’était ceux des réunions. « J’ai eu un moment marrant quand même. Une ado a essayé de me voler une pochette sertie de véritables perles. Et quand je l’ai chopée elle a osée dire que c’était de camelote. Elle a même fait un accroc. Du coup, je l’ai ramenée pour la réparer. » Malheureusement, elle avait bien trop de visites du genre à sa boutique. Il suffit de dire vintage pour que certains comprennent d’occasions. Alors qu’elle a beaucoup de pièces rares et uniques dans son magasin. Mais certains ne s’en rendent pas compte. Sans doute à cause de tous ses magasins de prêt à porter qui existe de nos jours. Les gens oublient que dans le temps, les choses ne se passaient pas de la même façon. « Et toi ta journée ? »